Regarde ta jeunesse dans les yeux : genèse du hip hop en France…

Le livre paru en 2015 est le travail le plus abouti sur le sujet. Une véritable référence pour les passionnés de hip hop et ceux qui veulent creuser un peu l’histoire du mouvement. Une histoire forcément liée à Paris et sa banlieue.

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Voilà un ouvrage que beaucoup liront avec le cœur serré et les yeux qui brillent. Une nostalgie partagée par les quadras qui étaient sur les lieux de l’action mais aussi par des vingtenaires qui n’ont pas connus cette pré-histoire du rap mais qui ne sont pas moins avides de découvertes. D’autant plus que la rétromania de notre époque nous pousse à jeter un œil sur ce genre de documents !

Le titre Regarde ta jeunesse dans les yeux reprend les paroles d’une chanson de NTM. Mais il relate des épisodes bien antérieurs aux premiers morceaux du fameux binôme de Saint-Denis.

Le bouquin est incroyablement fourni et donne un maximum d’infos et d’anecdotes sur Paris et sa périphérie.

Au tout début des années 80, la banlieue vibre encore au son du rock. Les blacks et les beurs sont plus portés sur le funk. DJ Chabin mixe au Stadium Squash, un club posé sur la dalle des Olympiades dans le 13e. Patrick Duteil (dit Sidney) passe des disques à l’Émeraude (rue des Petites Écuries) et contribue à renforcer la présence du funk. Ces précurseurs préparent un terrain favorable à l’arrivée du rap qui va débouler à Paname.
En 1982, les gosses qui trainent au Trocadéro se prennent une claque : c’est la première fois que des breakdancers officient sur le pavé parisien. Les danseurs américains sont en France dans le cadre de la tournée de Lionel Richie. La trentaine de gamins présents se souviendra longtemps de l’épisode. Joey Starr et Kool Shen étaient au Troca ce jour là.

Après son voyage à New York en avril 1983, Dj Chabin décide de donner une orientation hip hop aux après-midi dansantes qu’il anime au Bataclan. L’affluence inattendue oblige les organisateurs à migrer vers une grande salle de la place du Colonel Fabien. Près de 2000 danseurs se pressent à cette grand-messe hip hop ! Les habitants du boulevard Voltaire sont soulagés…c’est le début des phénomènes de bandes qui s’amplifiera jusqu’aux affrontements sanglants à Châtelet-les-Halles et à La Défense.
Le mouv’ s’accélère avec la première tournée d’Afrikaa Bambataa en Europe. C’est Bernard Zekri, journaliste au magazine Actuel, qui est allé le chercher dans son Bronx natal accompagné de toute une bande de danseurs et de graffeurs. Le New York City Rap Tour est cependant un semi-échec. C’est l’année suivante que la danse hip-hop va véritablement émerger et envahir les cours de récrés : l’émission H.I.P. H.O.P. est créée sur TF1. C’est Sidney qui l’anime. C’est la première émission hip hop au monde ! Ceci dit, le courant est considéré comme une mode et l’enthousiasme s’éteint avec la suppression du programme.
C’est pendant cette période de flottement qu’entre en jeu l’homme providentiel du mouvement, peut être la pierre angulaire du hip hop en France : Dj Dee Nasty. En organisant des « block parties » comme dans le Bronx, il donne un nouveau souffle au milieu. Les sessions ont lieu dans un terrain vague en face du métro La Chapelle dans le 18eme arrondissement. Sont rassemblées les 4 composantes du hip hop : Le Dj, les danseurs, les graffeurs et les rappeurs, qui se comptent encore sur les doigts d’une main dans la France de 1986 ! Dee Nasty n’en est pas à son coup d’essai, il a déjà baroudé sur pas mal de radios libres et a participé dès 1984 à un événement fondateur : le festival fête et forts, organisé dans une casse automobile en face du fort d’Aubervilliers. Au terrain vague de La Chapelle, l’entrée est à deux francs : elle se fait en escaladant les barrières métalliques, le scooter de Dee Nasty servant de marche pied !

Il est essentiel de rappeler que le hip hop français ne s’est pas développé que sur l’asphalte. Un certains nombre de lieux mondains ont accueilli des concerts de rap, notamment les Bains-Douches. Mais en 1987, il se passe quelque chose. L’équipe de Radio Nova décide d’organiser des soirées funk au Globo, un club du boulevard de Strasbourg. Cette fois, le public est prêt : c’est un succès immédiat. Les branchés se mélangent aux lascars. Les concerts de hip hop se multiplient. Celui de Public Enemy va rester dans les archives. Ces soirées s’arrêteront l’année suivante suite aux plaintes du voisinage (les tags, dépouilles et bastons sont fréquentes). Le rêve collectif est écourté par la loi de la rue…et des riverains.

Regarde ta jeunesse dans les yeux regorge d’anecdotes. C’est une véritable mine d’infos à mettre entre les mains des passionnés de hip hop. Les amoureux de Paris et sa périphérie y trouveront leur compte. Je ne vous ai pas parlé de la salle Paco Rabanne à Belleville ni des trois épicentres hip hop que sont Vitry, Sarcelles et Saint Denis.
Mais je vous laisse continuer la découverte avec une carte dédiée ci-dessous !

Les block parties de Dee Nasty à La Chapelle :

 Regarde ta jeunesse dans les yeux, éditions Le mot et le reste préface de Dee Nasty 25€.