Emile Aillaud et ses serpents de béton

L’ architecte s’est fait connaître par ses réalisations pour le moins originales. Aillaud voulait rompre l’orthogonalité habituelle des grands ensembles de logements sociaux.

S’il y a une chose que l’on peut affirmer, c’est qu’Emile Aillaud a trouvé son style.
Parmi ses œuvres notables, on citera les quartiers suivant : la Grande Borne à Grigny, Les Courtillières à Pantin ainsi que la Noé à Chanteloup les vignes.

Ces quartiers conçus par Aillaud sont connus dans les manuels d’architecture, plus encore dans les colonnes de faits divers. En effet, ils comptent parmi les quartiers les plus difficiles de la banlieue parisienne.
La grande Borne avait été pensée par Aillaud comme la « cité des enfants ». Il s’agissait pour lui de créer une cité de micro-ambiances, faites de replis et de coins intimes attachants et appropriables où l’enfant peut se retrouver avec lui même. Aux Courtillières, à Pantin, le bâtiment central se nomme le Serpentin. Il s’enroule autour d’un parc de 4 hectares. Déroulé, il ferait environ 1 kilomètre de long, le classant avec le Corviale de Rome parmi les bâtiments d’habitation les plus longs de la planète.

Quelques décennies après leur construction, les quartiers d’Emile Aillaud ont vieilli prématurément. Tous les quartiers réalisés en Ile de France sont classés en zone urbaine sensible. Et parmi ces cinq quartiers franciliens, quatre figurent dans la liste prioritaire de l’agence nationale de rénovation urbaine élaborée en 2006. Ils n’ont évidemment pas échappé aux émeutes de 2005. La grande Borne détient d’ailleurs la palme des affrontements les plus violents du pays pendants les évènements, avec 29 policiers blessés, notamment au pistolet à grenailles. Le tableau que Luc Bronner dresse en 2008 pour Le Monde n’est pas moins sombre. Pire, le terroriste Amedy Coulibaly est une tâche de plus pour la réputation de ce quartier où il a vécu.
Cependant la rénovation de ces quartiers est sur le point de se terminer, avec notamment un programme d’accession à la propriété pour la grande borne en vue de créer de la mixité sociale et la résidentialisation du Serpentin aux Courtillières. Si la situation n’a pas radicalement changé depuis 10 ans, ces quartiers bénéficient toutefois du dispositif de Zone Franche Urbaine reservé aux 100 quartiers les plus en difficulté.
Il faut aussi rappeler que la valorisation symbolique d’un territoire ne peut pas lui faire de mal. En 2008, le ministère de la culture a attribué au Serpentin le label « Patrimoine du XXè siècle ». Les quartiers conçus par Emile Aillaud ont un intérêt patrimonial incontestable. Pour l’instant, ils ne font pas partie de la top-liste des touristes. Mais les baroudeurs urbains ne s’y trompent pas. Les Courtillières sont d’ailleurs mentionnés dans le Guide du Routard de l’île de France ! Comme quoi…

Pour découvrir les quartiers d’Émile Aillaud en images :

Une scène mythique de La Haine (Mathieu Kassovitz) tournée dans le quartier de la Noé à Chanteloup les vignes :

Le film Petits Frères (Jacques Doillon) tourné aux Courtillières (1999) :

Un documentaire sur les Courtillières à voir au forum des images.