Le monde enchanté des sapeurs
Au championnat du monde de dandysme, voici une bande d’individus qui ont des chances de l’emporter. Cette tribu répond à l’acronyme S.A.P.E. : Société des ambianceurs et des personnes élégantes.
Tout commence dans les années 1970. Les Congolais émigrés à Paris reviennent au pays. Par souci de distinction, par pur dandysme ou parfois pour cacher les déceptions de leurs expériences d’immigrés, ils arborent fièrement des vêtements de luxe.
Leur allure s’inspire du style de l’aristocratie britannique du XIX ème siècle. Costumes aux couleurs éclatantes, détails chromatiques soignés, c’est l’élégance européenne mélangée à l’approche africaine de la couleur et de l’énergie.
Un autre volet esthétique de la SAPE apparaît rapidement. Il donne la part belle aux créateurs japonais. L’origine de ce « contre-courant » fait débat. Certains le voient comme le résultat de la politique ABACOST (à bas le costard) mené par Moboutou après 1974. Le dictateur interdit alors le port du costume et de la cravate. Il entend par là « Zairianiser » le pays et en finir avec les codes vestimentaires du colon.
A Paris comme en Afrique, la SAPE s’affirme comme mouvement esthétique et culturel. Certains musiciens en font partie, notamment Papa Wemba. Des boutiques de « Saperie » ouvrent à Bacongo, un quartier de Brazzaville, ainsi qu’à Château Rouge, la petite Afrique de Paris.
Si l’âge d’or des sapeurs est révolu (plutôt les années 80), on voit ça et là des résurgences de la SAPE. La culture sort de son milieu initial pour atteindre les branchés, des soirées sont organisées à la gloire de la SAPE.
Il faut ajouter que les congolais ne sont pas les seuls « modeurs-ambianceurs » du continent africain. La concurrence est rude, et elle vient de Côte d’Ivoire. Depuis 2004 les faroteurs et les boucantiers donnent de la voix. Les fondateurs du style musical coupé-décalé entendent concurrencer Kinshasa et Brazza sur le terrain de la fête et du bling-bling. Ces nouveaux flambeurs, plus outranciers que jamais, inventent des parades d’un genre nouveau, notamment le « travaillement » qui consiste à jeter des billets de banque sur la piste de danse.
Ce dandysme à l’africaine est extrêmement lié à la ville lumière. Il est aussi intimement lié à certains styles de musique tels que le Ndombolo, le Soukous, le coupé-décalé. C’est pourquoi je vous invite à découvrir la petite playlist que je vous ai concoctée !
Bonne écoute !
Pour une analyse plus approfondie du phénomène, je vous invite à lire l’article passionnant de Célia Sadai.